mardi 18 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (5)


LE REQUIN REMPLACE LE PIGEON

Sans doute, il fallait trouver les terroristes à tout prix, mais pas avant d’avoir ingurgité 500 grammes de Beluga, du gris foncé, magnifique. Une Ford Escort l’attendait à l’aéroport de Larnaka, le conduisit au milieu du brouillard jaune. Il jura quand il vit cette Rita Remington traverser le hall de l’hôtel dans un grand envol de zibeline artistement dessiné, sans regarder de son côté. Elle ne manquait pas de clients irakiens, pas un qui ne disparaisse dans le béton liquide, une balle dans le genou pour commencer. La sauvagerie glaciale : sa spécialité. Elle sortit du bar une bouteille de Stolychnaya : « Le chiffreur s’est mis au travail tout de suite. Rejoins-nous dès que je l’aurai chauffé à point ». La bouche écarlate à la lueur dansante des bougies. Les boutons arrachés. L’affiche de ce film diffusé dans le monde entier. Monsieur Typhus reconnut qu’il y avait pire que la Jordanie. D’ailleurs, Jimmy Ravel jouait avec son briquet Zippo « Black Crackle » bien cabossé. La banlieue de Bagdad, la guerre bactériologique et une lourde erreur d’appréciation comme on dit d’un lutteur de foire. Un professionnel qui savait arrêter les musiciens au meilleur moment. Les marches de bois craquaient sous ses pas, il parvenait au cœur du système ennemi. Major Osiris Walcott eut un rire nerveux, nul ne soupçonnerait jamais ces gens-là, d’allure si ordinaire et dont les passeports contenaient pas mal de visas. Ils venaient de passer par Athènes où les contrôles étaient inexistants. Il tressauta sous les impacts, se vida de son sang : il s’était pourtant maquillé avec soin pour cette si belle opération de désinformation. L’émissaire de Saddam Hussein lui lança un sourire désolé. Le soleil commençait à baisser, le bourdonnement continuait. Rosetta Stone se souvenait d’une sorte d’assassin qui avait des connaissances anatomiques, il se touchait donc là où vous savez, il avait le sens de la litote. La circulation ralentit sur l’A15, l’avenue Al Maeer vers le centre-ville et soudain, il se demanda s’il n’était pas en train de se laisser entraîner par son imagination. Le Bacillus anthrasis injecté sous forme de spray dans la climatisation des cinémas : des moustachus affables feraient aussi bien l’affaire – alors, il souffla la fumée de sa cigarette (le commando qui avait frappé pouvait remettre ça, et très vite), il tomba sur un répondeur, un canapé au ras du sol, plein de coussins. Curieuse impression que de se réveiller à Chypre, une chance que le temps soit pourri. Patricia Bartok tira sur sa jupe et alluma juste un rien de provocation au coin de sa prunelle : il s’agissait de ne pas décourager les bonnes volontés.

4 février 2016

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posted by Lucien Suel at 07:18