mardi 20 septembre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (1)


LE LAPIN REMPLACE LE CHAT

Une cartouche dans la chambre et le cran de sûreté déjà dégagé, il se demanda qui pouvait bien rouler si tard dans la nuit en direction de Casa Grande, il se garda bien de sourire en se rappelant qu’en matière de terrorisme l’incompétence était très mal considérée – ils avaient apporté la grosse quincaillerie, ils avaient tous des lunettes à monture métallique, il pouvait déjà descendre celui qui venait en premier, celui qui faisait le malin avec son fusil Ithaca Mag-10 Roadblocker au canon raccourci (50 cm), il pressa la détente et le sang fut projeté sur le mur, il ne tenait pas à ce que son blouson de cuir soit abîmé – bon, au suivant (ce type venait de siffler six bouteilles de Corona, ou quoi ?), dans une époque de confusion, il fallait s’attendre à tout, essayer de gagner du temps, il y aurait bien encore certains détails à régler, regarder le Russe le passer à tabac, trouver l’interrupteur tandis qu’ils tenteraient de percer l’identité du soi-disant Johnny Deux Fois – la jeune femme avait assez de cellulite comme ça, contourner la sentinelle postée au bord de la piscine, heureusement que le pot de mayonnaise était en plastique, elle écraserait le long cigare Panatela dans un cendrier de cristal, question de couvrir les cris du supplicié – pas facile de lui trouver une copie conforme, ce serait trop risqué, ça reviendrait à révéler trop de choses, les marchandises volées, les dealers, les maquereaux – il se mit à les insulter en esperanto, dégoupilla la grenade et la balança, les balles déchiquetaient tout sur leur passage, et alors celui qui était en train de pisser sous le ciel étoilé leva son pistolet-mitrailleur Skorpion, sa veste ouverte claquait avec violence, il ne verrait pas comment explosait le réservoir d’une Mercedes, un mec nommé Stakhanov ou Stravinsky remontait le couloir en courant jusqu’aux barbelés électrifiés – fini l’effet de surprise, frapper et puis disparaître en quatrième vitesse, un hélicoptère approchait par l’ouest, masquerait bientôt la lune, les commanditaires n’aimaient pas les numéros de téléphone composés rapidement de mémoire – le matin, il se retrouva non loin de la réserve navajo, jeta son dévolu sur cette cafétéria, l’air conditionné paresseux, le pire allait venir, les vagues de chaleur ondulaient déjà dehors, l’idée que le vieux tueur était en train de devenir sentimental faillit le faire dégueuler – les 500 000 dollars en billets de 100 dollars, les bouteilles brisées, le sol de béton noirci, quelqu’un dirait que c’était à cause des séries télévisées, vous auriez dû prévoir, mon pauvre garçon, que la mission terminée, vous alliez recevoir ce baiser glacé derrière l’oreille.

11 janvier 2016.

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posted by Lucien Suel at 07:29

2 Comments:

Blogger Didier L. said...

Un feuilleton Fano, super !

23:20  
Blogger Lucien Suel said...

Merci DL, on reconnaît le fan de Fano !

07:25  

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