jeudi 21 janvier 2016

Sans espoir de retour du courrier 3/5


« Sans espoir de retour du courrier », cette correspondance entre Alban Michel et Lucien Suel a été publiée en 1986 (30 ans déjà!) dans le n° 4 de la revue Après la plage.

Nous le faisons paraître ici en 5 épisodes. Il est question de plage, de jazz, de roman noir et d'Audrey Hepburn.

Biscarosse, le 20 juillet
Mon vieux Lucien,
Tu te plantes avec ton jazz. Je n'y connais rien. J'ai longtemps rangé le saxophone dans la famille des cuivres. Du moment que c'est triste je suis content ; je titube sur la plage.
Mes gueules de bois ont déjà entendu meugler un sax mais elles ne savent plus dans quel bar. C'est ça, moque-toi de mes mortifications, tu me fais marrer avec tes balades solitaires sur la plage. Ne me dis pas que tu trouves ça beau une plage. West Coast mon cul.
Je vois d'ici le tableau. Il manque juste un sax, un piano, et pour me faire plaisir, une caisse claire balayée par Al Seamless. Tu veux que je t'écrive les paroles ?
Je peux juste te taper une ou deux ballades. Je suis plutôt pilleur d'épaves que marin. Dénicher une fille dans un pull en shetland rosé ça je ne sais pas faire. Trouve-toi quelqu'un d'autre à qui écrire. Tout ce que je connais du jazz c'est Elmore James.
Trouve-toi une fortification abandonnée pour y brûler à l'abri du
vent tout ce que je t'ai pillé. Fais ça devant la fille si ça peut te soulager. De l'hôtel je vois le chemin de croix des marchands de sable. Les habitués du blockhaus. « Ça serait pas merveilleux si on pouvait rester ici ? ».
Pieds nus en Rosy rosé sur le béton dur et humide. Ce film est le voyeur rêvé des pourritures.
Alban
Sans espoir de retour du courrier : Lettre 1
Sans espoir de retour du courrier : Lettre2

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posted by Lucien Suel at 07:19