mercredi 5 août 2015

L'atelier d'écriture de Sabine Huynh (3/3)



Fragments composés à partir de "Théorie des orages" dans le cadre d'un atelier d'écriture animé en février 2015 par Sabine Huynh

La poussière rit la nuit. Ses doigts esclaves. La main brune, ailleurs, cabossée, luisante.

La nuit salue en tâtonnant à l'entrée du monde, comme l'aile ralentie, lourde d'ombre. Des disparus glissent.

Une femme debout se souvient. Plus fort que les cris, que le désir de pain, celui d'un champ de fleurs. Frissons et feu, fugitives dans la nuit qui sans le savoir piétinent les délicats boutons des fleurs sans avenir.

Une femme couchée sourit malgré cette nuit. Tout au fond, une petite fille en robe de percale blanche pense qu'une femme qui vit seule sur un bateau ne peut être qu'une fée. Et la fée pense que la petite fille est un ange. Et la femme debout pense que la femme couchée est un ange. Et la femme couchée dans la nuit sans fin pense que la peau de la petite fille est plus douce que la plus soyeuse des étoffes.

Rideau qu'on secoue la nuit. La poussière qu'on ne voit plus. Cendre d'étoiles qui brunit les mains, masque les bleus, ravine les coupures.

Ailleurs l'échine ploie pour que clignote de quoi faire rêver même les enfants qui n'en sont plus. La nuit efface la mémoire. La mémoire esclave, du néant.
Sabine H.
posted by Lucien Suel at 07:15