vendredi 26 décembre 2008

Le Mastaba d'Augustin Lesage (9)

Un jour, tu seras peintre. Je suis le
mineur qui cherche le filon spirituel
nouveau. Retour de la gare de Lillers
avec la toile de 3 m sur l'épaule, et
les voisins : Ah ! Le voilà, le fou !

Tu dois faire ce que ta main ne sait.

Ma symétrie est là un élément d'ordre
ELU PAR CETTE CRAPULE et inversement,
ETNA, LAVE DEVALANTE, et inversement.

Je possède mes propres lettres et mes
chiffres 8 et 0. Je mets aussi infini
dans ma poche, 8 couché. Et mon clair
diplôme s'écrit AHIMOTUVWX. C'est mon
alphabet TUVAHIMOWX. Je l'écris ainsi
MOUTIHAVWX. J'étends mes membres dans
la synopsie. Mon oreille se colore et
mes doigts écoutent. Mon eidétisme de
jeunesse perce les tourbillons blancs
de l'Histoire. L'énigme des siècles a
des couleurs. Le blizzard temporel se
frotte à ses joues. L'esprit typteur,
le porion du guéridon lui donne toute
sa foi. J'obéis aux voix et à l'oeil.


Maman se tait. Une végétation noire a
cerné sa bouche. Ses lèvres se figent
dans la peinture. Un cancer spirituel
ronge mon coeur. La cage du puits pue
la mort. Elle descend aux enfers pour
y cracher la jeunesse dans le wagon à
charbon, le wagon à Caron. Je remonte
au jour, aux cieux, au troisième jour
dans le soleil, dans le mandala jaune
du carrelage de la cuisine. Je trempe
ma tartine dans le noir, dans le ciel
bleu, dans la terre grise. Je ne suis
pas dans le bol. Je suis dans le bol.



C'est tellement bien ici. La lumière,
la verdure, le bruit des eaux, la vie
transfigurée, je me couche sous l'arc
cotonneux entre les prophètes ombrés.

Les protozoaires à noyaux oscillent à
l'abri de mes paupières. Les poissons
-oiseaux ébrouent leurs nageoires, la
larve de piéride gonfle son ventre et
je déchire sa peau tendue. Les amibes
flagellent ma salive. Sur les marches
de l'escalier, l'oiseau-poisson couve
un plat de lentilles. À Saint-Venant,
l'anguille mange le morceau : Sainte,
Folle, Sainteté de la Folie, Folie de
la Sainteté. Je photographie le front
bombé des Iconoclastes. Je peins dans
la sacristie de Saint-Augustin, parmi
les trophées, têtes de lions gardiens
rugissants des temples. Mes frères me
regardent, défenseurs immatérialistes
bruts : Adolf Wölfli, Joseph Moindre,
Victor Simon, Raphaël Lonné et Joseph
Crépin. Mes soeurs me bercent, douces
artistes : Laure Pigeon et Mauricette
Beaussart. Mon oeil droit caresse mon
oeil gauche. C'est le début de la vie
ectoplasmique. Au sommet du triangle,
au sommet des pyramides, au sommet du
terril, mon oeil gauche brille grave.

La vive coruscation de cette mandorle
couchée dans la poussière illumine le
plafond lacté. La couleur vraie tombe
du ciel, muette et poudreuse, larmes,
flocons, calices, ostensoirs, rosaces
et ciboires. Le minium argenté perle.

Le drap noir du cénotaphe se givre de
coulures neigeuses. Agenouillé sur la
descente de lit, je mange des yeux le
motif aviforme qui orne les rideaux à
franges du tabernacle. Du plus savant
au plus idiot, tous les artistes font
signe de la main. Le signe de la mine
vient du plus lointain passé et signe
sur la mine par le plomb du caractère
religieux. Je suis le Frère, le banal
médium planétaire. Je suis l'Auguste.

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posted by Lucien Suel at 09:45