jeudi 5 juin 2008

Monk par J.-L. Galus

MONK

« Alors je fais semblant d’être muet comme ça je n’ai pas l’air d’être étranger. »
Valentin G. le samedi 24 mai 2008 sur la terrasse
du snack-restaurant-tea room « Bijenhof » à Bissegem.

MONK enfant est peu loquace mais très véloce
Sur l’piano mécaniqu’il décalqu’la cours’des touches dans l’dos d’sa grand’sœur
MONK n’a jamais appris à jouer
MONK est peu loquace mais très véloce à l’Eglise baptiste on voit ses chaussures dessiner des spirales compliquées des sortes de sprint et de la main droite aussi c’est elle qui joue le jazz de dans vingt ans c’est elle qui change de braquet c’est la main droite
le free jazz
MONK est peu loquace MONK fait bande à part. La main gauche pioche (et manque de vélocité) elle joue du marteau 120 kg écrasent une touche quand Glenn Gould a la tête dans le guidon MONK buste droit prise au vent perd du temps. MONK joue lentement et roule de travers
Les mains de MONK
Les mollets du cycliste
Les mains tendues en pointe qui pèsent dans les 100 kg et parfois 100 milligrammes de notes fantômes
MONK est peu loquace et solitaire
Au piano MONK mène une sorte de course contre la montre comme dans la nuit Anquetil de Bordeaux vers Paris
après le Dauphiné (Libéré) avec la régularité du métronome car MONK ne dort pas MONK peut jouer toute la nuit MONK peut rester 72 heures sans dormir
MONK s’échappe
MONK fait le vide
MONK est peu loquace MONK fait le moine MONK est ermite
il pioche dans son désert
MONK aime dormir 3h après la fermeture du club parfois au milieu d’un concert (il s’endort) sur son piano il se réveille tout seul en sursaut et plaque quelques accords
MONK est peu loquace MONK est condamné au silence
On lui retire sa carte pendant 6 ans interdit de jouer en Ville
MONK prend de l’alcool
MONK prend de la dope
MONK prend des tranquillisants
MONK prend de la coke
il supporte des cock-
-tails qui tueraient un bœuf
MONK n’est plus autorisé à tuer
le temps gagner sa vie dans des boîtes de jazz
des clubs où il retrouve Di-
-zzie
Gillepsie Charlie
Parker pour faire le bœuf
MONK est peu loquace et condamné au silence
Bird et Dizzie trustent les podiums
MONK à Paris est copieusement sifflé
Mais sans personne pour lui mettre des bâtons dans les roues
MONK avance
MONK pousse sa musique devant lui
Thelonious Sphere MONK
quand on le voit on pense gros et lourd mais MONK au ping-pong est imbattable
et MONK danse personne comme MONK ne fait sentir l’équilibre avec autant de poids
MONK pousse sa musique et quand
tout brûle … MONK se rachète un piano si grand qu’il empiète sur la cuisine
MONK tourne maboul il esquisse un pas de danse et dévie esquive un peu las le concert s’endort en plein milieu MONK laisse tout tomber jusqu’à ce que Dizzie lui pince le bout d’un doigt et MONK joue comme si de rien n’était
MONK travaille du chapeau il en a toute une collection. Vers la fin de sa vie quand il perd la tête plus de couvre-chef
MONK le 20 avril 1961 à l’Alcazar de Marseille surgit par la gauche MONK titubant porte une toque et un manteau d’astrakan couvert de sueur MONK comme de guingois et brusquement ses notes bifurquant
MONK dissone
MONK s’échappe
MONK a un petit vélo qui crisse des dents au fond de chaque chapeau
Thelonious Sphere MONK est maboul
MONK est fou
longtemps New York lui sert de garde-boue mais Thelonious dérape fait l’avion il danse il fait le tourniquet et tape du pied pour écouter ce que le réverbère résonne. MONK déraisonne hors de New York qui lui servait de garde-fou c’est sûr quand il entreprend un pas de danse tout autour du piano –le public hypnotisé se tait et attend- du temps passe il ne va pas bien du tout.
Oui fou MONK est fou
Fou oui MONK est fou
MONK est fou oui fou
éééééééééé « on dit que je suis fou ce n’est pas vrai… j’y étais chez les fous et ils m’ont bien laissé sortir ! »
MONK est costaud il virevolte au ping-pong et fin joueur au billard !!!
MONK est peu loquace mais MONK danse il danse en coulisse
Il danse sur scène
Il danse autour du piano il danse dans les aéroports il danse au milieu de l’interview
MONK se détend il fixe l’air absorbé
un point précis du plafond il danse
les yeux dans le vague puis se remet à zigzaguer le poing tendu en l’air
MONK danse pendant que Charlie Rouse joue son solo
et quand Charlie finit son solo
MONK reprend son jeu au piano
La danse fait partie du piano !
MONK s’échappe
MONK fulgure
MONK transpire suspendu dans le temps
MONK est peu loquace alors il fouille dans sa poche
et joue de la main gauche
saisit le mouchoir le pose et poursuit son solo de la main droite
la cendre de la cigarette menace
de tomber
sur le clavier
MONK de la main gauche la prend de la droite il joue deux fois
le même motif
Il pose le mouchoir devant lui et joue de nouveau à deux mains
MONK n’a pas de partition
MONK n’est pas loquace et grince des dents. MONK pense-t-il encore ?
MONK brûle les ponts
MONK pense à Bud qu’il poussait sur scène en disant que si le petit ne jouait pas lui ne jouait pas non plus
MONK est peu loquace et s’ensilence pareil à un pont coupé une chanson rompue au milieu d’un couplet
MONK pense à Bud Powell affalé sur le piano qui avait été traîné dans la cour de l’hôpital psychiatrique
MONK sourit du sourire d’un homme à l’intérieur de lui-même.
MONK joue sans partition.
Jean-Luc Galus

Poème contenant des citations non déguisées extraites de Monk de Laurent de Wilde, 1996, éd. Gallimard et d’un article de Denis Laborde Thelonious Monk, le sculpteur de silence.

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posted by Lucien Suel at 07:13

3 Comments:

Blogger KMS said...

Ah voilà en lisant ce beau texte je me disais que cela me faisait penser au bouquin de Laurent de Wilde...
Monk fascine toujours...

10:24  
Anonymous Anonyme said...

Très bon texte
VIVA MONK

22:29  
Anonymous Anonyme said...

Bonsoir Galus,
Contente de voir que tu écris toujours. Valentin doit avoir bien changé, même s'il semble être resté le petit garçon tourmenté...
Bonne continuation à toi et les tiens
Dominique

21:38  

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