mardi 31 janvier 2006

Mary Beach & Claude Pélieu (1/2)


Chez Mary Beach et Claude Pélieu en 1972, dans la campagne anglaise ; une conversation recueillie par Jacqueline Starer sous le titre « Beatology and other things », et publiée en 1976 dans le n° 9 de la revue Soft Need (Pociao / Expanded Media Editions).
Texte inédit en français, traduction de Lucien Suel (janvier 2006).

CLAUDE : Comment j’ai fait connaissance avec les auteurs beat ? C’est très simple. Quand je suis revenu d’Algérie, je me suis retrouvé dans le Mondo Cane, le Mondo Bizarro de Jean-Jacques Lebel... Après, ça a été les USA, San Francisco. J’en avais une vision fantasmée, mais en réalité, c’était très douloureux. Et avant ça, il y a eu l’héroïne. En 1961-62, j’ai passé un an à l’hôpital pour me sortir de la drogue ; un toubib m’en a tiré, et Mary aussi. J’ai rencontré William Burroughs en 1968 après avoir correspondu avec lui pendant 6 ans. Avant ça, je peignais à Paris – dans le studio de Fernand Léger. J’avais épousé une superbe pute. J’ai essayé d’obtenir le divorce pendant 12 ans. Quand j’étais peintre, j’étais très jeune, un vrai trou du cul. Je n’écrivais pas du tout. Mes premiers essais d’écriture, ça a été pour les Lettristes, c’était assez dingue. J’ai envoyé mes trucs à Aragon. C’était ma période communiste. Je suis rentré d’Algérie en 1959-60. J’ai travaillé pendant un an, éducateur, avec des jeunes délinquants. Ils m’ont bien stimulé. Je n’étais pas à la hauteur. Le problème, c’est que je leur enseignais la délinquance, des actes anti-sociaux. Puis je me suis marié avec Nina, cette superbe pute ; je l’ai présentée à Mary ; ce sont de grandes copines.
A la même époque, j’ai rencontré Trocchi. Ferlinghetti et Ginsberg m’ont invité à San Francisco en 1962. On a commencé à avoir des ouvertures. Le seul avec qui j’avais eu un vrai contact avant de le rencontrer en chair et en os, c’était William Burroughs ; et Brion Gysin et Jeff Nuttall et Carl Weissner et Nanos Valaoritis. William et moi, on est plus que des amis. On mange ensemble une fois par semaine. On se soûle ensemble. Il aime beaucoup Mary. L’amitié ? A part Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti, Bob Kaufman, la plus forte est avec Burroughs. Il n’y a rien de littéraire dans tout ça. Pareil avec Jimi Hendrix et Janis Joplin. Ça a été terrible quand on est arrivé à Londres en 70. On avait arrangé un rendez-vous avec Burroughs. Hendrix est mort trois ou quatre jours avant notre arrivée ; après, Joplin ; Jim Morrison est mort. Et pratiquement à la même époque, Adamov et Neal Cassady et Jack Kerouac, et Jimi et Janis.

MARY : Nous avons rencontré Carl Solomon au printemps 66. A cause de Howl, nous savions qu’il était quelqu’un d’extraordinaire, et il avait aussi écrit la préface à la première édition de Junkie ; 9 ans d’exil, 5 ans de traitement aux électro-chocs. Il est passé par l’enfer. C’est un colosse, un type violent. Maintenant, il est devenu un grand ours qui ne ferait de mal à personne. Toute la matière qui est dans Howl, c’est Carl qui l’a racontée à Ginsberg, modestement, en toute confiance. Allen a tout utilisé, il a tout répété. Si Carl Solomon n’avait pas été hospitalisé, Allen Ginsberg n’aurait jamais pu écrire Howl. Maintenant Carl vend des bouquins au terminal de bus de Port Authority, le Book Bar, au coin de la 8ème Avenue et de la 42ème Rue.
En 1965 chez City Lights, j’ai demandé à Ferlinghetti : Comment ça se fait qu’il n’y ait rien d’autre de Kaufman en cours d’édition ? Il m’a répondu qu’il avait trouvé par hasard des papiers au fond d’un tiroir dans un bel attaché-case en cuir. Il ne les avait pas publiés. Claude et moi, on a dû le pousser pour qu’il le fasse. En fin de compte, il a sorti un petit livre de 81 pages. C’était Sardine dorée.

CLAUDE : Quelques mois avant, j’avais reçu une lettre de Bob Kaufman. Quand il est sorti de l’hôpital, il est allé chez City Lights pour demander 20 dollars ; on lui a répondu que c’était lui qui leur devait 300 dollars pour les 4 dernières années.

MARY : Bob Kaufman, Kerouac et Carl Solomon n’ont pas trahi leur idéal. Les autres, si.

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posted by Lucien Suel at 08:31

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

J'attends la suite.
Tout ce travail que tu fais
me plaît énormément.
j'aime surtout la fin de cet interview : ceux qui ne trahissent pas leur idéal.
Il ne faut pas lâcher pied.
Des gens comme ça. ca manque.

18:43  
Blogger Lucien Suel said...

Claude & Mary faisaient partie de ces gens-là.
Je termine la traduction de cet entretien et je publierai la fin demain.
Merci pour ton message.

07:04  
Anonymous Anonyme said...

et bien Lucien
bien cette trad' du texte de Jacqueline Starer
mais surtout faut traduire l'entretien qui suit dans ce même n° de Soft Need
Pas lâcher pired, donc.
Je t'embrasse
be a star screwer
à toi
Bernard Froidefond

17:02  
Blogger Jeffery Beach said...

Je suis le fils de Mary Beach. Je veut vous remercier pur cette affiche de Mary et Claude.

Jeff Beach

Mon email est gyaltsen@yahoo.com

03:38  

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