mardi 20 décembre 2005

Anges d'un nouvel ailleurs (Kerouac Ginsberg Burroughs) 6/7

Le hurlement d’Allen à San Francisco est ici et maintenant une vibration de l’air dans les cheveux des enfants et les vomissements spasmodiques de Jack dans les toilettes du "Cellar" font trembler les feuilles des saules à des milliers de kilomètres et les déflagrations du flingue de William sont une caresse répétée sur la peau des adolescents éberlués. On les sent, on les entend et parfois on les voit, poètes morts et vifs, catholique zen alcoolique illuminé juif enculé enculeur merveilleux béhavioriste camé pédé penseur laser dévide prose bop spontané démystificateur exterminateur du contrôle lyrique artisan de paix bienheureux amoureux vigoureux un trio embrassé s’embrassant embrasé sous les draps blancs et craquants de New-York.
L’orchestre du bateau joue des airs de Charlie et des airs de Thelonius et l’amour suprême de John. L’orchestre du bateau est Charlie. L’orchestre est Thelonius et l’orchestre est John amour suprême. Au bar, Jack parle et boit, boit et parle. William dodeline de la tête, assis sur le siège des toilettes. Les machines ronronnent. Les cheveux de Peter caressent la queue d’Allen. Dans la tête, les autres machines crépitent, longs rouleaux sacrés des pensées dévidées sur le papier. Les dieux de l'Égypte s’agglutinent au plafond du lounge. Ils contemplent avec l’œil animal divin les écrivains au travail : coupé collé Manuscrits de la Mer Morte Codex Mayas Rouleaux de la Thora Apocalypse de Jean Sur la Route Machine Molle Sandwiches de Réalité Apocalypse d’Allen Révolution Électronique Visions de Cody Nouvelles de la Planète Apocalypse de William Docteur Sax Festin nu coupé collé Christ Bouddha Horus.
Ti-Jean agenouillé dans l’église de Lowell, Massachussetts, tu pries la Sainte Vierge, tu pries pour ton frère Gérard qui est parti au ciel, Doux Cœur de Marie, soyez son salut ! Et à Paterson, New Jersey, on le voit, c’est Allen, châle de prière sur les épaules, on le voit qui récite le Kaddish, la prière des Morts pour sa maman, pour Naomi.

A Mexico-City, William est un peu plus pâle que d’habitude, le sang sort d’un trou dans la tête de Joan. William considère le revolver posé sur la chaise. On entend arriver la voiture des flics mexicains.

Dans le ciel des Amériques, les prières se croisent au milieu du smog et des sueurs évaporées.











Et il y a aussi les murmures de Bob et les murmures de Neal et ceux de Jan, la fille de Jack et ceux de William, le fils de Bill, tous les mots murmurés des papas et des mamans, des petits frères et des petites sœurs, tous les mots conjurant le désespoir, tous les mots de l’amour du monde, tous les mots découpés dans l’amas des discours creux, tous les mots antidotes...
(LS)

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posted by Lucien Suel at 07:29